Rédigé par le Dr Daniel Klem, ornithologue de renommée mondiale et expert dans le domaine de la sécurité des oiseaux. Des milliards d’oiseaux meurent chaque année dans le monde entier percutant des vitrages transparents et réfléchissant le paysage environnant. La prévention de cette mortalité aviaire causée par l’homme de manière involontaire et non souhaitée est motivée par des raisons à la fois éthiques et légales. L’étude scientifique des collisions d’oiseaux contre les fenestrations nous apprend que toutes les espèces se comportent comme si les parois de verre leur étaient invisibles. La science nous explique également comment transformer des vitrages clairs et réfléchissants en éléments qui pourront être vus et évités par les oiseaux.

CARACTÉRISTIQUES DE CONCEPTION SÉCURITAIRE POUR LES OISEAUX

            Dès les années 1970, j’ai commencé a mené des expériences scientifiques à la Southern Illinois University de Carbondale dans le cadre de ma recherche doctorale en utilisant une cage de fuite (appelée plus tard tunnel) ainsi qu’un site de terrain simulant des fenêtres installées dans de véritables structures. Ces deux méthodes ont été déployées pour déterminer comment transformer les feuilles de verre pour que celles-ci soient esquivées par les oiseaux. Ces premiers tests ont révélé que les oiseaux de la taille d’un moineau éviteraient complètement la moitié de verre obstruée si des lignes de 2,5 cm (1 po) de largeur ayant un espace de 10 cm (4 pouces) entre chacune et orientées en colonnes verticales ou par des lignes orientées de 5 cm (2 pouces) en rangées horizontales. Les résultats de 27 expériences, où chaque sujet aurait effectué 10 à 30 vols dans les tunnels d’essais, ont été publiés en 1990 dans le Journal of Field Ornithology, une publication scientifique reconnu par des experts en ornithologie et au début des années 2000, la « règle du 2×4 » a finalement été admise. En outre, ces premières expériences en tunnel ont révélé que lesdits motifs peuvent avoir n’importe quelle forme ou taille, à condition que la règle du 2 x 4 soit respectée.

            Les expériences sur le terrain ont été essentielles pour révéler l’importance d’appliquer des motifs sur la surface n°1, ce qui signifie la superficie faisant face à l’extérieur d’une fenêtre pour protéger les oiseaux. Les réflexions réalistes sur la surface 1 sont ce qui trompe les oiseaux et explique pourquoi ils se comportent comme si le verre leur était invisible, se tuant le plus souvent dans l’illusion de s’envoler vers leur habitat ou vers le ciel.

            De nombreux oiseaux, peut-être la plupart ou sinon tous, sont capables de voir la lumière radiante réfléchie par les ultraviolets (UV). En conséquence, lorsque la perception ultraviolette aviaire a été signalée pour la première fois à la fin des années 1970, l’utilisation de la structuration par UV que seuls les oiseaux peuvent voire a immédiatement été reconnue comme une solution élégante pour dissuader les collisions contre les fenestrations. Les protocoles expérimentaux d’essais en tunnel et sur le terrain ont déterminé que les signaux UV réduissait efficacement les impacts d’oiseaux.

STANDARDS POUR LE VERRE SÉCURITAIRE POUR LES OISEAUX

            Des réglementations au niveau de la construction de bâtiments sécuritaire pour les oiseaux ont été établies et adoptées par de nombreuses villes et municipalités partout en Amérique du Nord. Ces directives ont été introduites afin de créer une législation obligatoire ou volontaire décrivant la construction d’immeubles sans danger pour les oiseaux dans un nombre croissant d’emplacements aux niveaux local, régional et fédéral en Amérique du Nord et en Europe.

            Des organisations internationales reconnues élaborant des normes techniques, notamment pour les matériaux et les produits, ont mis en place des comités pour décrire et faire l’évaluation de l’efficacité de bâtiments, de matériaux et de méthodes pour dissuader les impacts d’oiseaux. L’Association canadienne de normalisation (CSA) a récemment élaborée et publiée un standard au niveau de fenêtres sécuritaires pour les oiseaux, basée sur les résultats de nombreuses années de recherche. Les résultats de cette recherche collective décrivant des critères spécifiques pour prévenir les collisions d’oiseaux constituent la base de la norme Bâtiments respectueux des oiseaux (CSA A460). L’American Society for Testing and Material (ASTM) étudie les moyens d’évaluer objectivement et avec précision les matériaux de construction sécuritaires pour les oiseaux. L’inquiétude liée à l’identification d’une méthode précise pouvant servir de norme à l’industrie pour évaluer les produits sécuritaires pour les oiseaux est toujours à l’étude et en attente de résolution en raison des défis, des limitations et des défauts associés à l’approche actuelle de la conception des tests en tunnel.

ÉVALUATION DU VERRE SÉCURITAIRE POUR LES OISEAUX

             Parmi mes premiers essais en tunnel dans les années 1970, Martin Rossler et son équipe de recherche en Autriche, ainsi que Christine Sheppard et son équipe de recherche chez ABC aux États-Unis, qui ont adopté et mis en œuvre une méthode modifiée de celle de Rossler, continuent de tester le verre pour la sécurité des oiseaux dans leurs tunnels respectifs. Il existe des différences détaillées par rapport au tunnel d’origine, mais en général, ces tests sont des expérimentations de choix fondamentalement dichotomiques, obligeant les oiseaux à emprunter un chemin sans obstacle jusqu’à la sortie d’un tunnel où se trouve deux ouvertures de taille identique, mais ou une moitié est couverte par la matière faisant sujet d’observation.

              En comparaison, des tests sur le terrain sont effectués sur des sites de construction réels où le verre fait partie d’un encadrement de fenêtres et simulent avec précision leur installation dans des structures véridiques. De nombreux prototypes préventifs peuvent être testés dans un délai relativement court à l’aide d’un tunnel, sur quelques semaines lorsqu’ils ont lieu sur des sites de baguage d’oiseaux (sites où les oiseaux sont marqués d’une bague en vue d’étudier leur comportement en milieu naturel). Des expériences sur le terrain testent relativement peu de produits de prévention (4 à 7) sur une période de 30 à 90 jours, et uniquement en dehors de la saison de reproduction en Amérique du Nord (fin octobre au début avril) afin de prévenir la perte potentielle de parents du fait que certains oiseaux meurent en collision avec les fenêtres d’expérimentations.

                Ces deux protocoles expérimentaux ont produit des données de test opposées et contradictoires au niveau du même produit et suggèrent donc de ne pas s’appuyer sur les résultats d’essais en tunnel comme mesure finale de l’efficacité de toute méthode de prévention de collisions d’oiseaux. Ces résultats indiquent en outre que les essais en tunnel ne devraient certainement pas être adoptés comme norme de l’industrie et d’évaluation finale des produits pour la sécurité des oiseaux.

                 En revanche, les expériences sur le terrain simulent avec précision les fenêtres claires et réfléchissantes installées dans les bâtiments commerciaux et résidentiels. Chaque traitement et contrôle préventif est surveillé dans des conditions identiques, parmi lesquelles figurent les conditions d’éclairage et les conditions météorologiques, le comportement naturel et la concentration d’oiseaux à proximité de fenêtres. Un élément particulièrement important dans les expériences sur le terrain est la capacité de contrôler l’implantation d’emplacements de fenêtres au cours de la période expérimentale pour ne pas biaiser les résultats.

               Malgré tout, l’objectif général est de réduire considérablement les impacts d’oiseaux sur les vitrages commerciaux et résidentiels. S’il est important d’établir la meilleure méthodologie de test, les normes telles que la CSA 460, combinant la sagesse de nombreuses années de recherche et de tests sur le terrain, sont certainement considérées comme la meilleure approche pour garantir une stratégie généralement acceptée par la communauté technique. Ces normes peuvent être adoptées et mises en œuvre immédiatement et permettront de sauver la vie de milliards d’oiseaux et ce, sans délais.

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