Rédigé par Irene Fedun. Les collisions d’oiseaux contre les parois de verre sont aussi anciennes que le produit lui-même (selon des données historiques, il aurait probablement été créé dès 290 EC). Par contre, jusqu’à la fin des années 1900, aucun effort n’a été fait pour réduire l’incidence des collisions d’oiseaux souvent mortelles à grande échelle. Le Dr Daniel Klem Jr., Professeur au Centre Sarkis Acopian d’ornithologie et de biologie de la conservation au Muhlenberg College en Pennsylvanie, a été le premier à étudier le problème de manière exhaustive, reconnaissant que des millions d’oiseaux à travers le monde meurent inutilement en se heurtant à des fenêtres.

Dr Klem, qu’est-ce qui vous a poussé à faire votre doctorat axé sur une analyse des collisions d’oiseaux contre les parois de verre?  

En 1974, mon conseiller de supervision, le Dr William G. George du département de zoologie de la Southern Illinois University à Carbondale, m’a suggéré de dédier ma thèse de doctorat sur la mortalité des oiseaux tués par les collisions contre les fenêtres. Le premier jour de mes recherches, je me suis levé avant l’aube, et je me suis assis devant la façade entièrement vitrée de notre bâtiment de chimie où certains avaient recueilli des oiseaux précédemment. Alors que l’obscurité laissait place à la lumière, une Tourterelle triste traversa les branches supérieures du chêne mature sans feuilles situé à environ 10 mètres (30 pieds) du mur de verre, et le frappa de plein fouet. L’oiseau est mort immédiatement sur le coup de l’impact. J’ai trouvé les restes de ce qui semblait être de précédentes victimes de collisions sous les panneaux de verre appartenant à de nombreux autres bâtiments du campus. Ma curiosité s’est donc transformée en un engagement à en apprendre davantage.

 

Vous avez effectué de nombreux tests pour trouver des solutions de vitrage durables, en commençant par les tests en tunnel, puis en introduisant les tests sur le terrain. Quelles sont les plus grandes différences entre ces tests et quelles sont vos principales conclusions?

Dans le cadre de ma thèse de doctorat, j’ai conçu une cage de vol (tunnel) pour vérifier si les oiseaux pouvaient faire la distinction entre un espace dégagé et un verre transparent. Les résultats ont indiqué qu’ils ne pouvaient malheureusement pas. J’ai ensuite équipé la cage de vol en conséquence pour déterminer si les oiseaux pouvaient distinguer un espace libre d’un côté obstrué par divers objets. Une silhouette de faucon et d’autres éléments ont été suspendus au bout d’un fil mono filament pour apparaître comme s’ils étaient apposés sur la fenêtre. De nombreuses bandes blanches séparées par des espaces de grandeurs variables ont été collées dans le haut et dans le bas du cadre de la fenêtre pour déterminer la distance entre les bandes qui permettait aux oiseaux d’éviter le côté obstrué de la cage. Je voulais établir quels étaient les éléments, le cas échéant, qui pourraient être utilisés pour dissuader les oiseaux d’entrer en collision avec la fenêtre. Les oiseaux testés ont été relâchés à l’extrémité la plus étroite de la cage et incités à voler vers l’extrémité opposée, plus éclairée, vers ce qui semblait être une trajectoire de vol pour se mettre en sécurité. Cette conception de cage de vol destinée à tester les méthodes de prévention des collisions d’oiseaux contre les fenêtres est appelée test en tunnel.

Le test en tunnel est utile dans la mesure où il peut tester plusieurs mesures préventives potentielles à la fois, mais il ne reflète pas avec précision ce que vit concrètement un oiseau lorsqu’il est confronté à une fenêtre. Les oiseaux sont relâchés dans une zone sombre du tunnel et incités à voler jusqu’au bout, ce qui leur permet de se déplacer en toute sécurité de part et d’autre de la voie d’évacuation. En situation réelle, les oiseaux se trouvent dans un environnement lumineux et volent vers des zones plus sombres en essayant d’atteindre leur habitat, ou le ciel se trouvant de l’autre côté d’un vitrage transparent, ou vers les reflets de ceux-ci que peuvent créer les vitrages ou les miroirs. Les limites du test m’ont incité à développer un modèle expérimental – une expérience sur le terrain permettant de simuler avec précision les fenêtres de bâtiments réels.

Une expérience sur le terrain consiste à comparer le taux d’impacts d’oiseaux contre les fenêtres conventionnelles transparentes et réfléchissantes qui servent donc de références, et aux fenêtres modifiées pour prévenir ces-dits impacts.

J’ai utilisé ces deux méthodes d’expérimentation et j’estime que le test en tunnel est utile, mais ne constitue pas une évaluation finale. Il ne devrait pas être utilisé en tant que norme de l’industrie pour évaluer l’efficacité de la prévention des collisions d’oiseaux contre les parois de verre.

 

L’Association canadienne de normalisation a récemment publié une norme sur les vitrages pour la dissuasion des collisions d’oiseaux, et l’on vous a demandé de participer au processus en tant qu’expert. Quels sont les éléments clés de cette norme?

J’approuve les recommandations suivantes de la Conception de bâtiments respectueuse des oiseaux (CSA A460: 19) visant à transformer le verre en obstacles que les oiseaux verront et éviteront en utilisant un verre dépoli à l’acide, une peinture céramique ou divers marqueurs imprimés sur un film appliqué à la surface du verre. Les marqueurs visuels sont des éléments d’un motif recouvrant uniformément la surface du verre. Ces éléments peuvent être de n’importe quelle forme (points, lignes, diamants, etc.), mais doivent être séparés de 5 cm (2 po) lorsqu’ils sont orientés en colonnes verticales ou en rangées horizontales (règle du 2 x 2).

Autre recommandation essentielle: placez les marqueurs sur la surface extérieure, ce que les architectes appellent la surface n° 1. La raison: lors de la construction d’un bâtiment, presque tout le verre qui est installé recouvre un espace intérieur plus sombre. Même un morceau de verre parfaitement transparent agit comme un miroir lorsqu’il est vu de l’extérieur quand celui-ci couvre un intérieur possédant moins de luminosité. Si des marqueurs empêchant les collisions d’oiseaux sont placés sur la surface interne d’une fenêtre à plusieurs panneaux, la réflexion sur la surface extérieure n ° 1 masquera les éléments utilisés pour empêcher un impact d’oiseau. Il existe des exceptions, appelées illusions en plein vol, telles que celles créées lorsque des vitres transparentes sont placées de chaque côté des couloirs pour créer une balustrade. Il est également essentiel de traiter ces panneaux de verre pour protéger les oiseaux, et ce, jusqu’à une hauteur minimale de 16 mètres au-dessus du sol, voire plus si la végétation mature se reflète sur la façade du bâtiment.

 

 Vous étudiez la dissuasion des collisions d’oiseaux depuis plus de 40 ans. Avec les récentes mesures légales prises partout en Amérique du Nord et la norme CSA A460 récemment adoptée, quel est l’avenir de la législation sur la dissuasion des collisions d’oiseaux? Pensez-vous que A460 influencera un développement futur?

Nos traités et lois fédérales sur la protection des oiseaux traitent de la mort involontaire de ceux-ci contre des parois de verre, mais ils portent à confusion quant à leur pertinence et à leur utilisation en raison de décisions judiciaires divergentes. Les gouvernements régionaux et municipaux ont de plus en plus tendance à promulguer des lois protégeant les oiseaux, comme à Toronto, qui propose un modèle de ce qui peut être fait pour protéger les oiseaux des effets néfastes du verre. Je prédis que la CSA A460: 19 sera un modèle similaire, guidant les lois, ordonnances, règlements de zonage et autres lois régionales et municipales pour rendre l’environnement créé par l’homme sans danger pour les oiseaux.

 

 

Le Fatal Light Awareness Program (FLAP) Canada, un organisme à but non lucratif, a été créé en 1993 pour lutter contre le problème des oiseaux migrateurs heurtant les tours de bureaux éclairées au cours de leur migration nocturne. Il est rapidement devenu évident que les collisions avec le verre se faisant de jour, que ce soit sur de grands bâtiments commerciaux ou des maisons modestes, étaient une cause de mortalité  beaucoup plus importante chez les oiseaux. FLAP a donc élargi son mandat pour couvrir les impacts se produisant autant de jour comme de nuit. Des collaborations avec des fabricants de verre, avec des architectes, des compagnies de construction, des propriétaires, des gestionnaires d’immeubles, des groupes environnementaux, des gouvernements ainsi que des biologistes tels que Dr Klem, ont ensuite permis de trouver des solutions abordables à long terme au problème. La mission de FLAP: Protéger les oiseaux migrateurs dans l’environnement des bâtiments par l’éducation, l’élaboration de politiques, la recherche, le sauvetage et la réadaptation.

Irene Fedun est la rédactrice de l’infolettre semestrielle de FLAP, Touching Down. Visitez les sites  flap.org et birdsafe.ca pour plus de détails sur la prévention des collisions d’oiseaux contre les bâtiments.

 

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